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Les vitraux de l'église Saint-Idunet

 

CHAteaulin - de lumiere et de couleurs

(conférence donnée par Guy Leclerc le 7 juillet 2016)

 

Longtemps les vitraux du XIXe et début du XXe ont été l’objet d’un certain discrédit. De nos jours, on a une autre approche de cette production. Les études sur les vitraux du XIXe siècle se multiplient comme sujets de master ou de doctorat.

Comme il arrive souvent, c’est la disparition d’une œuvre d’art qui attire l’attention voire l’intérêt. A Auch, dans le Gers, lors de la démolition en 1976, d’une ancienne chapelle des Ursulines, transformée à une époque en gymnase, les dix vitraux de l’atelier d’Emile Hirsch qui l’ornaient depuis 1871, furent vendus à un antiquaire. Il y a quelques années, quand on se préoccupa de ces vitraux, on avait perdu leurs traces, jusqu’au jour où on découvrit, en 2O12, les vitraux remontés dans la cathédrale de Daho au Katar.

 

La nouvelle église

L’église actuelle de Saint-Idunet fut édifiée en 1868-69 par l’entreprise Armand Gassis (*) de Châteaulin sur les plans de l’architecte départemental Joseph Bigot. Lors de la démolition de l’ancienne église, en 1867, aucun vitrail ne fut conservé. Une proposition d’utiliser pour l’église Notre-Dame « ce qui reste des vitraux de couleur et autres de l’ancien Saint-Idunet » ne fut pas suivi d’effets. La nouvelle église comptait 47 baies, 30 d’entre elles reçurent progressivement un vitrail entre 1872 et 1930.

(*) Armand Gassis fut nommé, le 30 déc. 1878, architecte de la ville de Châteaulin. Il fut maire de Châteaulin de 1896 jusqu’à sa révocation en 1903.

Coût de la nouvelle église : 148 000 frs dont : souscription : 25 000 ; la Commune : 11 000 ; la Fabrique : 15 000 ; l’Etat : 20 000 ; le département : 5 000. Les offices ont lieu à la halle au blé.

 

L’architecture d’un vitrail

La partie inférieur de la baie est divisée par un ou plusieurs meneaux en compartiments appelées lancettes. La partie supérieure s’appelle le réseau. Ici il est composé d’une rose à plusieurs lobes et d’écoinçons. Dans le vitrail gothique flamboyant le réseau se compose de mouchettes, de soufflets, d’écoinçons.

Le rôle du vitrail est de diffuser dans l’église une lumière tamisée et colorée propre au recueillement. Les tableaux peints sur les vitraux font connaître les mystères de la foi, représentent des scènes bibliques et des scènes de dévotion. Leur qualité artistique, lorsqu’elle est perçue, favorise l’élévation de l’âme.

Au XIXe siècle on privilégia le vitrail tableau. La réalisation d’un vitrail tableau faisait appel successivement à un peintre, à un cartonnier et à un verrier.

Les tableaux ou les personnages des vitraux sont encadrés par un décor architectural néo-gothique ou végétal voire un mélange des deux souvent réalisé au pochoir. Socles et dais architecturés et floraux. Parfois on recourt à la grisaille pour certains décors.

Le Financement fut assuré essentiellement par la paroisse au gré des ressources en caisse. Au moins trois vitraux furent offerts par des donateurs originaires de Châteaulin : le chanoine Evrard (1811-1872) offrit le vitrail du Martyre de saint Etienne, le chanoine Outhenin-Chalandre (1531-1902) offrit le vitrail du Martyre de saint Jean l’Evangéliste. MR. Armand Gassis, offrit en 1879, le vitrail des saints Guénolé et Corentin.

 

Les ateliers

 L’art du vitrail a connu un long déclin aux XVIIe et XVIIIe siècles. Sa renaissance au XIXe siècle n’est pas étrangère à l’exaltation du Moyen-Age dans des œuvres littéraires à succès.

On comptait en France, en 1878, 215 ateliers de production de vitraux.

Il s’agissait de satisfaire une demande croissante liée à la construction de nouvelles églises. La création de vitraux tend alors vers la production en séries ou parfois une production industrielle. Certains ateliers emploient de 50 à 100 personnes. Les ateliers ont leur catalogue, participent à divers salons, font jouer les relations qu’ils entretiennent avec le clergé ou l’épiscopat. C’est le cas, dans le diocèse de Quimper, d’Emile Hirsch, verrier parisien, qui pose 110 vitraux dans le diocèse.

Pour la réalisation de ses vitraux, la paroisse de Châteaulin délaisse les verriers régionaux comme Jean-Louis Nicolas (1816-1899) de Morlaix, actif dès 1859, qui réalisa les vitraux de l’église Saint-Houardon à Landerneau ou Gilbert-Marie Felep (1840-1910) de Landerneau, ce dernier a réalisé en 1887 le vitrail du chœur dans l’église de Saint-Coulitz. La paroisse de Châteaulin préfère s’adresser à des ateliers parisiens, tourangeaux ou manceaux. Au moins cinq ateliers ont travaillé pour l’église Saint-Idunet.

Le premier verrier à travailler, indirectement, pour la paroisse de Châteaulin est Julien Lobin de Tours. En 1856, il avait réalisé plusieurs vitraux dont une scène du Calvaire pour la cathédrale Saint-Corentin de Quimper. Lorsqu’Emile Hirsch fut chargé de réaliser une série de vitraux pour la cathédrale, les vitraux de Lobin furent descendus pour maintenir une unité de style. M. Bigot, l’architecte de l’église Saint-Idunet qui travaillait à la restauration de la cathédrale proposa à la paroisse de Châteaulin d’acheter le vitrail du Calvaire. La paroisse l’acheta pour un bon prix et le fit placer dans la verrière du pignon nord du transept.

 

 

Les vitraux des apôtres me semblent provenir aussi de l’atelier Lobin. L’abbé Jézégou mentionne dans son historique de Châteaulin, la présence des apôtres dans la grande verrière sud du transept et les attribue aussi à Lobin. L’atelier Lobin a fourni des vitraux à quelque 650 édifices en France. Il a compté jusqu’à 70 ouvriers.

Le peintre Emile Hirsch, (1832-1904), d’origine juive, s’était converti au protestantisme puis au catholicisme. Il avait fréquenté les ateliers de Delacroix, d’Ingres et de Flandrin. En 1875, il réalise 23 vitraux pour la cathédrale de Quimper. A saint Idunet, il signe, en 1873, les quatre vitraux du déambulatoire : du côté nord, Le martyr de saint Etienne et L’éducation de la Vierge par saint Anne, du côté sud, la communion de sainte Claire puis le martyr de saint Jean plongé dans de l’huile bouillante.

 

 

Emile Hirsch a aussi apposé son nom sur le grand vitrail du bras nord du transept dont il a réalisé, dans le réseau une série d’armoiries et sous la scène du Calvaire de Julien Lobin, « le Repas d’Emmaüs ». D’autres vitraux peuvent lui être attribués, en particulier au-dessus du chœur, la Guérison du Paralytique et la Remise des clefs à saint Pierre ; au fond de l’église, le Baptême du Christ et la rencontre du Christ avec la Samaritaine.

 

La Fabrique du Carmel du Mans (1853-1903)

Au bas du vitrail des saints Guénolé et Corentin, on lit : Fabrique du carmel du Mans, Eugène Hucher et Edouard Hartouis succrs. Cet atelier fut créé, en 1853, par les Carmélites du Mans pour réaliser les verrières de leur chapelle et devint la Fabrique des vitraux peints du carmel du Mans placée sous la direction artistique d’Eugène Hucher. La fabrique du Carmel du Mans fut vendue en 1875 à Edouard Hartouis. Celui-ci la revendit, en 1880, à Eugène Hucher dont le fils Ferdinand prit la succession en 1889. La production de l’atelier fut influencée par Overbeck, fondateur du courant Nazaréen et par le peintre allemand Frédéric Kuchelbecker. Le courant nazaréen créé à Rome par un groupe de peintres allemands rejetait l’académisme et prônait le retour aux primitifs tels que Fra Angelico.

Eugène Hucher, après avoir travaillé dans l’administration des Domaines, fut tour à tour directeur artistique en 1853, gérant en 1875, puis propriétaire en 1880.

Sur le vitrail sud du transept on lit les lettres G.C.L. Il s’agit de Georges Claudius Lavergne, (G.C.L.), actif dès 1889, il subit aussi l’influence des Nazaréens. Il était le prieur de la confrérie de saint Jean l’évangéliste. (Il fit en 1891, 6 vitraux pour la cathédrale de Quimper). Le vitrail présente dans les lancettes la sainte Famille dans l’atelier de Nazareth, puis au-dessus, le triomphe de la Vierge et dans le réseau une partie des litanies de La Vierge. Son fils André réalisa en 1903 les quatre vitraux situés dans la partie élevée du transept : L’Adoration de l’Enfant-Jésus par saint Joseph, la Mort de saint Joseph avec dans le réseau le Transfert de la maison de Lorette, la remise du Scapulaire à saint Simon Stock, la remise du Rosaire à Saint Dominique.

 

 

Dans le bas-côté sud l’un des vitraux est signé S.A. Mauméjan-Hermanos. Cet atelier fut créé en 1860 à Pau. Son activité s’étendit à l’Espagne. En 1908 est constituée la société Anonyme Mauméjean – Hermanos. Ses ateliers se trouvent à Hendaye, en Espagne et à Paris. Vers 1930, l’atelier Mauméjan réalise les deux vitraux du bas-côté sud, celui de sainte Rhérèse de Lisieux et celui des saints Curé d’Ars et Vincent de Paul.

 

 

Les thèmes de l’iconographie des vitraux

Il n’y pas de programme d’ensemble. La réalisation des vitraux s’étale sur une soixantaine d’années au gré des possibilités de financement par la paroisse ou par quelques donateurs. Le choix des scènes représentées sur les vitraux fut le fait des donateurs, du curé et de son conseil de fabrique mais aussi des influences du moment. Une grande partie des vitraux fut réalisée entre 1874 et 1898, du temps du curé Jean Quéré, poète à ses heures et auteur d’une grammaire bretonne. Il repose dans le cimetière de Rostomic.

 

Les Thèmes Christiques dominent dans les représentations : Dans les fonts baptismaux, on a placé d’un côté le vitrail de la Nativité. De l’autre côté, le vitrail du Baptême du Christ par Saint-Jean. De l’autre côté du portail est représentée la scène du Christ et de la Samaritaine au puits de Jacob.

 

 

Ces deux vitraux sont liés par le thème de l’eau vive qui donne la vie de Dieu. Dans le haut du chœur sont représentées la Guérison du paralytique et la Donation des clefs à saint Pierre.

 

 

Dans le grand vitrail du bras nord du transept figurent la Mort du christ sur la croix et le Repas d’Emmaüs.

 

 

Thèmes mariaux : La dévotion à la Vierge est particulièrement magnifiée dans le grand vitrail du bras sud du transept. Au centre, le triomphe de la Vierge entre Dieu le Père et son Fils le Christ surmonté de la colombe de l’Esprit-Saint. Dans le réseau figure un certain nombre de titres donnés à la Vierge dans les litanies de la Vierge : Etoile du matin, Tour d’Ivoire, Tour de David, Arche d’Alliance, Maison d’or, Trône de la Sagesse, Porte du Ciel. Au bas du vitrail figure la sainte Famille. Les vitraux du haut du transept sud évoquent les dévotions mariales traditionnelles : la remise du scapulaire à Simon Stock (Kent v. 1175-Bordeaux 1285) par Notre-Dame du Mont-Carmel et la remise du Rosaire à saint Dominique par la Vierge et l’Enfant-Jésus. Du côté nord, au-dessus du vitrail de la mort de saint Joseph est représenté le transport par des anges de la maison de Nazareth jusqu’à Lorette en Italie. Plus dans l’actualité de l’époque, figure dans une rosace du fond de l’église, côté nord, l’apparition de la Vierge à sainte Bernadette à Lourdes.

 

 

La dévotion Eucharistique, à sa place dans une église surtout à une époque où les autorités religieuses prônent la communion fréquente. Dans le grand vitrail du bras nord du transept au rappel du sacrifice du calvaire s’ajoute le Repas d’Emmaüs, les deux disciples reconnaissent Jésus lorsqu’il rompt le pain. Dans la partie haute du transept, dans la scène de l’adoration de l’Enfant-Jésus par Saint Joseph, l’Enfant présente une hostie. Dans le déambulatoire, la communion de sainte Claire participe de cette exaltation de la pratique eucharistique.

 

 

La dévotion à saint Joseph est ancienne, mais elle prend dans le contexte de l’époque une coloration nouvelle. Pas moins de quatre vitraux lui sont totalement ou partiellement consacrés. Patron de la bonne mort, sa mort en présence de Marie et de Jésus figure dans un vitrail dans la partie haute du transept nord. Dans le bas du grand vitrail sud du transept c’est le patron des travailleurs tenant une hache qui est représenté dans son atelier. En tant que chef de famille, il s’inscrit dans la promotion de la famille dans l’enseignement de l’Eglise. Le travail est exalté : La Vierge file sa laine, l’enfant tient dans sa main le marteau et les trois clous évoquant sa future crucifixion mais à ses pieds on aperçoit une scie et, de l’autre côté, l’établi. Saint Joseph s’appuie sur une hache et tient dans sa main droite son attribut, la fleur de lys que l’on retrouve dans le vitrail qui lui est consacré dans la chapelle absidiale du Sacré-Cœur.

Le long du bas-côté nord, trois vitraux sont consacrés à cinq apôtres et à saint Paul. L’abbé Jézéguou, écrit vers 1900, que ces vitraux se trouvent dans la grande verrière du transept sud et proviennent également de la cathédrale de Quimper.

 

Les dévotions nouvelles : A ces dévotions traditionnelles s’ajoutent des dévotions nouvelles.

Dans le bas-côté sud, sont mis en place vers 1930, par l’atelier Mauméjan, des vitraux consacrés à ces nouvelles dévotions.

Celle à Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus (1873-1897), a été béatifiée en 1923 et canonisée en 1925. Le vitrail rappelle sa promesse de faire tomber sur la terre une pluie de roses. Ici les roses tombent sur Châteaulin représenté par l’église de Saint-Idunet.

Un autre vitrail représente le curé d’Ars, Saint Jean-Marie Vianney (1786-1859), béatifié en 1905, canonisé en 1925. Il est le patron des curés de paroisse.

 

 

Sur le même vitrail figure Saint Vincent de Paul (1581-1660), béatifié en 1729, canonisé en 1737, il est représenté avec un enfant abandonné dans les bras. En 1885, il fut proclamé patron des œuvres charitables. Cette représentation souligne une nouvelle prise de conscience par l’église de la misère qui touche une partie importante de la société. C’est l’époque où les Conférences de Saint-Vincent de Paul se multiplient pour venir en aide aux personnes en difficultés.

 

 

Le Thème Régionaliste se traduit par la figuration des saints bretons Saint Corentin, premier évêque de Quimper et saint Guénolé fondateur de l’abbaye de Landévennec ont la place d’honneur. Dans un autre Saint Pol-Aurélien terrasse un dragon et en face le roi Gradlon rend visite à saint Corentin dans son ermitage. Saint Idunet est représenté à deux reprises : sur les côtés du chœur, dans un vitrail, il quitte l’abbaye de Landévennec pour gagner son ermitage dans le pays de Nin au bord de l’Aulne. En face un vitrail raconte la visite que lui fit saint Guénolé. Dans ce dernier vitrail, le celtisme est évoqué par un dolmen ; à l’époque on attribuait les monuments mégalithiques aux Celtes.

 

 

On peut aussi noter la présence des armoiries de la ville de Châteaulin au centre du réseau du vitrail nord du transept. « d’azur au château d’argent girouetté d’or accompagné en pointe d’un saumon vu de face de même. »

 

 

Au-dessus figurent les armoiries de trois évêques de Quimper ou de Saint-Pol-de –Léon (*).

(*) à la pointe du vitrail, Pierre Vincent Dombidau de Crouseilhes, évêque de Quimper et Léon 1805-1823 « d’argent à l’arbre terrassé de sinople chargé d’un léopard lionné de gueules au chef d’azur chargé de trois étoiles. »

A droite, François Visdelou, évêque de Léon, 1665-1668, « d’argent à trois têtes de loup de sable arrachées et lampassées de gueules. »

A gauche, François de Coëtlogon, évêque de Quimper, 1668-1706 : « de gueules à trois écussons d’hermine à la bordure engrelée d’or. »

L’ultramontanisme qui s’est traduit dans d’autres paroisses par des vitraux consacrés à la papauté, est exprimé, à Saint-Idunet, d’une manière discrète par la présence des armoiries du pape Léon XIII (1878-1903) qui figurent dans le vitrail de la Remise du Rosaire. « D’azur au cyprès de sinople planté sur une plaine de même accompagné au franc quartier d’une comète d’or et en pointe de deux fleurs de lis d’argent, à la fasce d’argent brochant sur le tout. »

 

 

La justification biblique de la primauté du pape est affirmée dans le vitrail de la remise des clefs à saint Pierre. Ici deux clés. Dans le bas-côté nord, un autre vitrail représente saint Pierre tenant des clefs. (*)

(*) Le pouvoir des clés est le pouvoir confié par Jésus à Pierre, chef du collège apostolique, en lui donnant la clé du royaume des cieux et en l’instituant chef de l’église sur terre. C’est aussi le pouvoir de remettre les péchés à Pierre et aux apôtres pour qu’ils le transmettent à tous les prêtres.

 


Châteaulin n’a pas participé au renouveau du vitrail après 1950

L’installation de vitraux, dans l’église Saint-Idunet, s’est arrêtée vers 1930 laissant de nombreuses baies en verre blanc. L’église Saint-Dunet de Châteaulin est restée à l’écart de la révolution picturale du vitrail au lendemain de la guerre de 39-45. Des chapelles comme celle de Sainte-Madeleine à Penmarc’h, celle de Bonne-Nouvelle à Locronan ou plus près de nous celle de Saint-Maudez (Nac’h-Guen) à Lennon de Nicolas Fedorenko nous rappellent qu’un vitrail avant d’être une image est une lumière colorée. Seul, le vitrail axial de la chapelle de Notre-Dame de Kerluan, réalisé 1999 par l’atelier Grall de Guengat d’après des cartons de François Chaussepied, fait exception. Les vitraux de la chapelle de la chapelle de Lospars réalisés en 2002 et 2005 d’après des cartons Yves Drénou, sont à mi-chemin entre le figuratif et l’abstrait. Ce renouveau pictural nous rappelle que le vitrail, avant d’être une image, est lumière et couleurs.

 

 

Disons un mot, en terminant, des deux verrières nouvelles qui sont venues embellir notre église.

La première verrière, composition de Georges Claudius Lavergne, interprétée par son petit-fils André, nous montre saint Joseph adorant Jésus dans la grotte de Bethléem. C’est Marie elle-même qui prend son fils pour le présenter à saint Joseph et par une pieuse pensée du peintre qui a voulu rapprocher l’anéantissement eucharistique de l’anéantissement de la crèche, Jésus tient dans sa main la blanche hostie.

 

 

La deuxième, consacrée au patron de la bonne mort, composition du célèbre peintre Claudius Lavergne, interprétée par son petit-fils André Lavergne, représente la mort de saint Joseph. Jésus lève la main pour bénir le dernier soupir de celui qui a donné tout son dévouement avec tant d’amour, et la Vierge ferme pieusement les yeux au gardien virginal à qui Dieu l’avait confiée.

 

 

 

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Châteaulin, église Saint-Idunet

le vitrail de saint Guénolé

A Châteaulin, l’église paroissiale actuelle dédiée à Saint-Idunet fut construite en 1869 par l’entreprise châteaulinoise de M. Gassis sur les plans de l’architecte départemental et diocésain Joseph Bigot. Les murs de l’édifice comptent 47 baies de dimensions variées dont 30 sont occupées par un vitrail. Contrairement à d’autres églises du XIXe siècle, l’église Saint-Idunet ne présente pas un programme homogène de vitraux. Faute de financement, la réalisation de vitraux, commandés à divers ateliers(1), s’étale sur une longue période de 1879 jusque vers 1925.

 

Au centre de la partie haute du chœur, se trouve, en place d’honneur, un vitrail de deux lancettes représentant dans l’une saint Guénolé et dans l’autre un saint personnage en vêtements sacerdotaux, peut-être saint Idunet qui est généralement représenté en diacre. Les deux représentations s’inscrivent dans un décor gothique. La banderole que l’ange tient dans le trilobe du tympan du vitrail, n’apporte aucune indication. On y lit : « Bienheureux ceux qui meurent dans le Seigneur. »

 

La présence de saint Guénolé, fondateur de l’abbaye de Landévennec, est liée à deux événements. Elle rappelle d’une part la visite que saint Guénolé fit à saint Idunet dans son ermitage. Le cartulaire de Landévennec(2) rapporte que « Saint Guénolé alla voir son frère Idunet qui servait Dieu jour et nuit dans sa demeure sise sur la montagne appelée Nin, près du fleuve nommé Hamm ». C’est la seule mention connue de l’existence de saint Idunet. L’autre événement est l’installation sur la rive droite de l’Aulne d’un prieuré dépendant de l’abbaye bénédictine de Landévennec. L’établissement de ce prieuré fait suite à la donation faite à l’abbaye vers l’an 1100 de terres, des moulins et de la pêcherie de saumons à Châteaulin par Alain IV, comte de Bretagne. Le prieuré de Locyonnet(3) subsista jusqu’à la Révolution.

 

 

Au bas du vitrail, sous le personnage de saint Idunet on lit l’inscription : FAB. DU CARMEL DU MANS 1879 EUGENE HUCHER ET EDOUARD HARTOUIS SUCCRS. Cet atelier fondé en 1853 par les religieuses carmélites pour réaliser les vitraux de leur chapelle devint la fabrique des vitraux peints du carmel du Mans placé sous la direction artistique d’Eugène Hucher. En 1875, les carmélites vendirent leur atelier à Edouard Hartouis qui le revendit cinq ans plus tard à Eugène Hucher(4).

 

Sur le vitrail, la représentation de saint Guénolé s’écarte de son iconographie traditionnelle d’abbé de monastère. Revêtu d’un manteau marron sur une coule blanche, la capuche ramenée sur sa tête, saint Guénolé tient de la main gauche la crosse abbatiale, la spirale tournée vers l’intérieur. De l’autre main, il présente une oie qui est à ses pieds allongeant son cou et sa tête vers le saint. Cette présence d’une oie que saint Guénolé partage comme attribut avec plusieurs saints et saintes, vient d’une légende que nous rapporte la vie de saint Guénolé contenue dans le cartulaire de l’abbaye de Landévennec et qui fut écrite par le moine Gurdisten à la fin du IXe siècle.

 

Parmi les nombreux miracles accomplis par saint Guénolé figure celui qu’il réalisa pour sa sœur Clervie encore en bas âge. Une oie, après avoir renversé l’enfant d’un coup d’aile, lui avait arraché un œil et l’avait avalé. Averti en songe, Guénolé se rendit dans la maison familiale où il trouva ses parents et sa sœur en larmes. Dans le troupeau d’oies, il repéra celle qui dressait le plus haut son cou, il l’éventra et retira l’œil qu’il remit en place dans l’orbite évidée de Clervie. Quant à l’oie « marchant avec fierté, le cou tendu, elle rejoignit les autres en chantant(5) ».

 

Il existe peu de représentations de saint Guénolé faisant référence à ce récit. A saint-Frégant dans le Finistère, dans la niche de la fontaine de Kervézan, un groupe sculpté dans du kersanton, datant du XVIe siècle, présente saint-Guénolé debout portant sur ses vêtements une chape ; sa crosse abbatiale est inclinée, retenue par son bras droit. De sa main gauche, il presse le gosier d’une oie, dans l’autre il tient l’œil de sa sœur Clervie qui est agenouillée près de lui. La présence de ce groupe sculpté est à mettre en relation avec le nom de la commune Saint-Frégant qui a pour éponyme Fracan, père de saint Guénolé.

 

Datant du XIXe siècle, on a le groupe sculpté en bois de l’église Saint-Guénolé à la Ville-Ginglin à Saint-Brieuc et un vitrail de 1857 dans l’église paroissiale Saint-Guignolet de Pierric en Loire-Atlantique.

 

Guy Leclerc

 

(1) Carmel du Mans, Hirsch de Paris, Lavergne de Lyon et Paris, Mauméjean de Bayonne. La Crucifixion du vitrail situé dans le bras nord du transept fut achetée à la Cathédrale de Quimper qui ne la voulait plus, elle avait été réalisée par l’atelier Lobin de Tours.

(2) Le cartulaire de l’abbaye de Landévennec est conservé à la Bibliothèque Municipale de Quimper.

(3) Cette dénomination provenant de Loc-Idunet persista jusqu’à la Révolution.

(4) S. Arrondeau, La Fabrique de vitraux du Carmel du Mans (1853-1903), thèse de doctorat.

(5) M. Simon, L. Cochou et A. Le Huerou, traduction de la vie longue de saint Guénolé par l’abbé Gurdisten dans le « Cartulaire de Saint-Guénolé de Landévennec », Presses universitaires de Rennes et Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne. 2015.

 

Sources :

- M. SIMON O.S.B., L’abbaye de Landévennec, édition Ouest-France, 1985.

- Cartulaire de Landévennec, Presses Universitaires de Rennes et Société d’Histoire et d’Archéologie de Bretagne, sous la direction de Stéphane Lebecq, 2015.

- S. ARRONDEAU, La Fabrique de vitraux du Carmel du Mans (1859-1903), thèse de doctorat, Université du Maine, 1997.

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