La chapelle Saint-Jean qui a donné son nom au quartier actuel de Kerjean, s’élevait, à la sortie de Châteaulin, en bordure de l’ancienne route menant vers Dinéault et Plomodiern et au-delà vers Crozon. Détruite par un incendie au début du XIXème siècle, elle fut par la suite démolie.
Elle était tenue, depuis au moins le XIVème siècle, par l’ordre souverain militaire et hospitalier de Saint-Jean de Jérusalem, dit « de Rhodes », dit « de Malte ». Cet ordre, fondé au début du XIIème siècle, exerçait sa vocation hospitalière en élevant au long des routes, souvent près d’une chapelle, un hospice pour accueillir les pèlerins allant en Terre Sainte. C’était le cas à Châteaulin en bordure d’une route très fréquentée menant à Crozon. Les hospitaliers portaient sur leur habit noir la croix amalfitaine blanche à huit pointes.
Cette chapelle et son hospice furent-ils une possession de l’ordre militaire des Templiers avant la suppression de l’ordre en 1312 et la confiscation de ses biens au profit de l’ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem ? L’acte de 1217 par lequel le duc Pierre Mauclerc fait restitution aux Templiers des « hospites in Castro Lini » le laisserait entendre. Châteaulin était un membre de la commanderie de Quimper qui, devenue hospitalière après la fin tragique des Templiers en 1314, fut rattachée au XVIème siècle à la commanderie de la Feuillée. Le nom de la rue des Templiers près de Kerjean date des années 1980.
Un acte notarié d’un inventaire des lieux fut dressé, en 1660, à la demande de « haut et puissant messire Jean-Denys-Gabriel de Polastron de la Hillière, chevalier de l’ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem, seigneur commandeur de la commanderie de la Feuillée ». Alain Clézier, charpentier au village de Lindour et Jacques Peniau, couvreur à Châteaulin sont invités à donner leur avis. L’inventaire nous indique que la grande vitre au-dessus du grand autel est armoriée des armes du commandeur et de celles de Saint-Jean-de-Jérusalem qui sont d’argent à la croix potencée d’or et cantonnées de quatre croisettes de même. D’un côté de l’autel, il y a la statue de Notre-Dame avec l’Enfant-Jésus, de l’autre celle de saint Jean-Baptiste avec son agneau - sans doute celle qui est aujourd’hui à l’église Notre-Dame.
La chapelle est pavée de pierres vertes. A l’extérieur de la chapelle, on peut voir une croix en bois « presque pourry », une fontaine « en bonne réparation » et un oratoire en mauvais état, vraisemblablement l’ancienne maison de l’hospice. Le commandeur de La Feuillée avait fait don à la chapelle d’une relique de saint Jean-Baptiste : un morceau du crâne du saint renfermé dans une tête d’argent. Un prêtre assurait le service de la chapelle. Le seigneur du Guilly en Lothey avait obtenu un droit de banc dans la chapelle. Cinq pardons avaient lieu chaque année, les paroisses de Dinéault et de Saint-Coulitz y participaient. En 1729, l’ordre de Malte confia le service de la chapelle au recteur de Châteaulin en lui laissant le revenu des offrandes. Le commandeur de Quimper avait droit, pour chaque année, à deux saumons de la pêcherie de Châteaulin prisés 15 livres en 1697.
A la Révolution, la chapelle Saint-Jean devient un bien national. Le 22 octobre a lieu, en présence de Jean-Baptiste Sanquer de Coatigoff, fabrique de la chapelle, l’inventaire de l’orfèvrerie dont un calice et sa patène en argent. Un moment magasin de salpêtre, la chapelle fut vendue comme bien national à Pierre Le Marchadour. Laissée sans entretien, la chapelle devint une ruine qu’un incendie finit par détruire complètement. Quelques pèlerins continuèrent encore à venir à la fontaine à l’occasion de la Saint-Jean-Baptiste. Celle-ci à son tour a disparu.
Guy Leclerc, mars 2014.