C’est en 1866, que la congrégation des Frères de Ploërmel ouvre un établissement scolaire à Châteaulin sur la colline de Kerstrat, au haut de la Grand’rue, par transfert de l’école de Pleyben ouverte en 1848. Après des débuts difficiles qu’amplifie la guerre de 1870-71, l’établissement prospère sous la direction du Frère Pierre Lamandé né le 15 avril 1837 à Spézet où une école de Frères existe depuis 1852. L’établissement passe de 46 à 220 élèves en 1873. Maîtres et élèves suivent les offices religieux dans un oratoire devenu exigu ou à l’église Saint-Idunet, posant parfois un problème de places. Lorsqu’en 1886, Saint-Louis compte 326 élèves dont 252 internes, il devient urgent de disposer d’une chapelle. Le Frère Robert, originaire de Ploërmel, ancien professeur de dessin, trace les plans de la future chapelle. Celle-ci doit s’édifier en bordure de la Grand’rue, face à l’ancienne métairie des seigneurs de Kerstrat, sur 24 m. de long et 7 m. de large. Le style architectural appartient au néo-gothique : ouvertures en arc-brisé, voûtes sur croisées d’ogives, petit clocher à flèche. La construction est confiée à l’entreprise châteaulinoise de M. Hippolyte Le Bihan, successeur de M. Armand Gassis. La première pierre placée sous une colonne du chœur est bénite, le 21 mars 1887, par M. Jean Quéré, curé de Châteaulin. On a encastré dans la pierre une petite boîte en plomb contenant un parchemin sur lequel figurent le nom du pape Léon XIII, celui de l’évêque de Quimper, Monseigneur Anselme Nouvel de La Flèche et ceux de plusieurs personnalités. La veille, Châteaulin, grâce à l’usine électrique de Coatigrac’h, était devenue la troisième ville de France éclairée par l’électricité. Tout un symbole. Au mois de juillet suivant, M. Louis Le Naour, sculpteur quimpérois, pose la petite flèche gothique. M. Bohec, précédemment vicaire à Cléden-Poher, est nommé aumônier chargé d’assurer le culte dans la chapelle.
Si les travaux ont été menés rondement, les démarches pour obtenir du gouvernement l’autorisation de célébrer le culte dans la chapelle traînent. Le directeur devait, en particulier, signée une déclaration par laquelle il s’engageait à ne jamais ouvrir la chapelle au public. Ce n’est que le 16 août 1888 que le Président de la République M. Sadi-Carnot signe le décret qui autorise la célébration du culte dans la chapelle de Saint-Louis. La dénomination d’un quai Carnot à Châteaulin ne fait pas suite à ce décret, mais à celui qui autorise la Société Châteaulinoise d’Eclairage Electrique à utiliser l’eau de l’Aulne canalisée. Le 5 novembre suivant, la chapelle de Saint-Louis est consacrée par Monseigneur Jacques-Théodore Lamarche qui a succédé à Monseigneur Nouvel de La Flèche. La cloche a pour parrain M. Masson et pour marraine Melle Halléguen. Le 6 juin 1889, M. le Curé de Châteaulin érige solennellement, dans la chapelle, un Chemin de Croix.
La Chapelle est fermée de 1903 à 1906
La loi de 1901 sur les associations ayant exclu les congrégations religieuses du bénéfice de la loi, celles-ci n’ont plus d’existence légale, elles sont dissoutes et leurs biens saisis par l’Etat. Pour sauver leur école, les Frères de Saint-Louis abandonnent leur soutane et se déclarent laïcs. Ils rachètent à l’Etat les bâtiments de Saint-Louis que celui-ci leur a confisqués, une société immobilière est créée pour gérer le patrimoine de Saint-Louis. Les Frères sont périodiquement poursuivis par la justice pour reconstitution illégale d’une société dissoute.
Le 19 mars 1904, le Frère Pierre Lamandé, fondateur de la chapelle et directeur de Saint-Louis pendant 30 ans, décède à Spézet où il a trouvé un refuge précaire dans sa famille. L’oubli, sous l’aspect d’une herbe drue, recouvra vite sa tombe.
Quelques mois avant, Le 10 juin 1903, à la demande de M. Colignon, préfet du Finistère, monsieur Louis Allain-Tomasi, commissaire spécial de la Police des Chemins de Fer dresse l’inventaire du mobilier de la chapelle : trente bancs-prie-Dieu à l’usage des élèves, quatre chaires pour les maîtres, quarante-cinq chaises prie-Dieu, quatre lampes à pétrole suspendues au mur, trois lustres, quatre statues placées aux quatre coins de l’édifice, deux confessionnaux, une petite table, un autel au-dessus duquel sont placées sept statues, un Chemin de Croix sans tableau, sur l’autel six chandeliers contenant des cierges et plus haut deux candélabres avec les bougies. Il fait ensuite apposer des scellés sur les portes de la chapelle. Trois ans plus tard, le 5 février 1906, M. Emile Rouquier, autre commissaire spécial de la Police des Chemins de fer, procèdent à la levée des scellés apposés sur les portes de la chapelle après avoir constaté qu’ils étaient intacts. Il déclare : « Nous sommes transporté au dit établissement à Châteaulin où étant et parlant à M. Berthévas directeur de l’école privée installée dans l’immeuble autrefois occupé par les frères de Châteaulin… ».
Après la Première Guerre Mondiale, une tribune sera réalisée au fond de la chapelle grâce au don offert par M. Yves Denniélou, maire de Dinéault, en reconnaissance des soins qu’il avait reçus pendant la guerre à l’hôpital installé à Saint-Louis.
Le pensionnat de Saint-Louis.
Carte postale Jos Le Doaré expédiée de Châteaulin le 1er novembre 1914 par un soldat du 23e régiment d’infanterie coloniale
servant dans l’école transformée en hôpital militaire.
Le cliché doit dater de 1906-1907. La chapelle est à droite du document.
La chapelle ensanglantée
Durant la guerre de 1914-1918 et celle de 1939-1945, l’école Saint-Louis fut transformée en hôpital militaire. Bien souvent la chapelle devint une chapelle ardente pour les soldats décédés. Mais elle n’avait pas vu le pire.
Dans la nuit du 9 au 10 juillet 1944, trois jeunes résistants, plusieurs fois torturés depuis leur arrestation le 28 juin, sont jetés dans la cave sous la chapelle. Après de nouvelles tortures, ils sont déposés dans une fosse creusée dans le jardin de l’école. Les bourreaux replantent des salades sur le sol remué. Ce n’est que le 10 septembre suivant, que sur les indications d’un ancien employé de l’hôpital Saint-Louis, on découvre dans une fosse du jardin, « trois cadavres méconnaissables, sans pièces d’identité, les pieds et les mains liés derrière le dos, les membres disloqués, les dents brisés, les ongles arrachés, la nuque trouée. Les lèvres de l’un d’entre cousues de fil métallique. » Pendant deux jours trois cercueils alors anonymes sont alignés devant le chœur de la chapelle Saint-Louis. Dix jours plus tard, on apprend qu’il s’agit des dépouilles mortelles de Jean Cavalloc, 22 ans, de François Salaun, 22 ans et de François Toullec, 20 ans.
Du 9 au 11 septembre 1944, furent exposés dans la Chapelle de Saint-Louis,
les cercueils de trois jeunes résistants martyrisés et tués sous la chapelle
puis enterrés dans le jardin par l’occupant allemand.
La chapelle restaurée
En juin 1960, la foudre abattit la pointe de la petite flèche du clocher de la chapelle. Cette pointe, refaite en ciment, fut remise en place le 17 décembre 1966. En ce début des années 1960, le mobilier de la chapelle est l’objet de diverses transformations. Cédant à l’esprit du temps, la statuaire en plâtre est supprimée. La table de communion et le retable néo-gothique de l’autel sont enlevés. Un nouvel autel est construit en granite d’Huelgoat. Sur le devant de l’autel, est encastré un haut-relief en terre cuite représentant une Pietà, il est l’œuvre de Claude Gruer sculpteur à Solesmes (1992-2013). Sur l’autel sont placés six chandeliers forgés par M. Henri-Paul Herry ferronnier d’art à Landerneau. Sur le mur, au-dessus du nouvel autel, fut placé le Christ crucifié qui se trouvait, avant 1945, sur la croix de mission située à l’angle de la Grand’rue et de la venelle de Kerstrat. Certains vitraux furent remplacés dans les années qui suivirent.
La chapelle désertée
La sortie des internes tous les week-ends et la baisse rapide de leur nombre parallèlement au développement du ramassage scolaire réduisirent l’usage de la chapelle. Des problèmes de chauffage conduisirent à recourir à de petits oratoires pour la communauté des Frères comme pour les élèves. A son départ, en 1980, M. l’abbé Yvon Le Grand, aumônier de Saint-Louis, ne fut pas remplacé, il fut le dernier de la liste des vingt aumôniers qui se succédèrent à Saint-Louis pendant près d’un siècle.
Au début des années 2000, la congrégation des Frères de Ploërmel envisage de vendre les locaux construits en 1865-66 ainsi que la chapelle. Elle obtient de Monseigneur Clément Guillon, évêque de Quimper l’autorisation de démolir la chapelle. C’est dans cette perspective que les vitraux furent démontés. Un compromis de vente signé en 2007 avec une entreprise nantaise n’a pas abouti.
Texte Guy LECLERC.
Sources de documentations :
Guénolé Ambroise (Frère), Saint-Louis Châteaulin 1866-1966, imprimerie Cornouaillaise, Quimper
Guénolé Ambroise (Frère), revue « Echo de Saint-Louis », n°43 (1961), n°44 et n°46 (1962)
Miniou (Frère), 1944, Echo de Saint-Louis, n° 52, septembre 1964
Kermarrec Dominique, Dissolution de l’Institution Saint-Louis à Châteaulin (1901-1906), mémoire de maîtrise, 1977
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